Craintes et Incertitudes


Lundi, 4 Septembre 2017, c'est sur fond de grève décrétée par le syndicat des enseignants que certains élèves ont repris le chemin de l’école. Cette grève vient s’ajouter à celle des médecins et des professeurs d’universités commencées quelques semaines plus tôt.
Comme les élèves, la classe politique congolaise était aussi partie en vacances. Outre les soubresauts des adeptes de "Bundu Dia Mayala"  de Ne Muanda Nsemi, les mois de juillet et d’Aout furent relativement calmes. Des vacances qui ont permis aux uns et aux autres d’affuter leurs armes dans la perspective des nouvelles joutes politiques qui pointent à l’horizon.

Nous abordons le dernier virage de l’année 2017 et rien n’a bougé, les lignes semblent figées. 
Au niveau économique, le dollar a continué son ascension et ce, malgré une relative stabilisation du taux de change, 1$=1550Fc, au cours des trois dernières semaines du mois d'Aout. 
Cette embellie n’a malheureusement pas changé la donne sur le terrain. Les prix des produits n’ont pas connu une tendance baissière, mais bien au contraire. 
À cette situation s’ajoute celle des pétroliers qui, depuis la fin du mois d’Aout, sont entrés dans un bras de fer avec le gouvernement. Conséquence, l’essence se fait de plus en plus rare à la pompe. Un bras de fer que le gouvernement n’a que très peu de chance de gagner. Un réajustement à la hausse du prix à la pompe aura pour conséquences inévitables une hausse des prix des produits sur le marché et celui du transport. Des hausses qui ne sauraient être de nature à faire baisser la tension sociale et l’exaspération populaire vis-à-vis d’un pouvoir impopulaire.  
La hausse du prix du cuivre et du cobalt sur le marché international n’aura pas de conséquences immédiates sur l’économie avant la fin du premier trimestre 2018. 

Entretemps, l'intervention du FMI a été conditionnée par des avancées significatives sur le plan politique censées garantir une alternance politique d’ici la fin de l’année 2017. Garanties que le pouvoir n’a hélas pas su fournir. La nomination d’Olengankoy comme président du CNSA n’a pas été de nature à calmer les esprits.   

Au niveau politique, c’est l'impasse ! 

Opposition et majorité campent sur leurs positions tout en affutant leurs armes.
Le gouvernement a su obtenir le soutien de l’Union Africaine et de la SADC sur un nouveau report des élections. Un report sine-die car le calendrier attendue de la CENI se fait toujours attendre. Et à ce niveau, aucune surprise n’est attendue car le président de cette institution avait déjà déclaré “impossible” la tenue d’un quelconque scrutin d’ici Décembre 2017. La seule valeur de ce calendrier sera de  permettre une lecture des intentions du pouvoir quant à la durée du glissement. Mais face à la grogne sociale et économique et aux pressions extérieures, il est fort à parier que les délais présentés dans ce calendrier à venir ne seront qu’un leurre.

Du côté de l’opposition, les “vacances” ont été mises à profit pour fédérer les forces politiques et de la société civile. C’est ainsi que l’on a pu constater la création du nouveau mouvement citoyen Les Congolais Debout par Sindika DOKOLO qui se pose de plus en plus comme un acteur important de l’opposition non-politique congolaise.

Et c’est dans une volonté de se fédérer et de coordonner leurs actions que les mouvements citoyens et l’église catholique se sont réunis le 17 Aout à Paris pour signer  le Manifeste du citoyen congolais
Un manifeste qui fait office de nouvelle feuille de route des mouvements citoyens qui joueront certainement un rôle plus actif dans les jours à venir. 
De l’essentiel de ce manifeste on retiendra la mise en place d’une transition citoyenne conduite par une personnalité de la société civile congolaise qui ne pourra être candidat aux élections issues de cette transition.


Idée d’une transition qui rejoint de peu celle de Felix TSHISEKEDI, (Une transition de 6 mois sans Kabila) mais aussi celle d’un nouveau courant dit « centriste », conduit par des proches de la majorité. Majorité au sein de laquelle bruissent des idées d’une transition… de deux ans.

Comme on peut le voir, l’idée d’une transition fait son chemin. Et on distingue deux camps, celui d’une transition avec Kabila et celui d’une transition sans Kabila.
L’idée d’une transition ou d’une quelconque autre solution, suppose une nouvelle dynamique politique qui lui donnerait naissance. Dynamique censée nous sortir de l’impasse actuelle et bouger les lignes.

Mais au regard des positions affichées par les uns et par les autres, il est une certitude, cette dynamique ne naitra pas sans heurts.

Pour le pouvoir, le défi sera de convaincre des opposants revanchards et une église catholique, accusée de complicité avec le pouvoir, de rejoindre un troisième dialogue. Et à ce niveau, l’UA et de la SADC peuvent s’avérer être des alliés de poids, pour le pouvoir, qui tenteront de persuader et/ou faire pression, selon le cas, sur les acteurs les enjoignant à ouvrir un nouveau round de négociations.  

Mais ce n’est pas un exercice gagné d’avance si pas voué à l’échec. Malheureusement pour le pouvoir, au cours de l’année 2017, il a démontré qu’il n’était pas un partenaire politique digne de confiance. Les débauchages d’opposants et autres manœuvres se sont avérés être des stratagèmes qui ne lui ont rapporté aucun gain politique, interne comme externe, durable si ce n’est d’affaiblir temporairement l’opposition et de gagner du temps.
Aujourd’hui, sans interlocuteurs, se les étant tous aliénés, il lui sera difficile de capitaliser, à moyen et long terme, sur ce peu de temps gagné.

Pour les opposants, on peut supposer qu’ils sont conscients que l’idée d’un nouveau dialogue avec le pouvoir leur sera politiquement fatal au niveau populaire et ne pourra que davantage les fragiliser. 
Mais en même en temps ils sont butés à une difficulté majeure, faire partir pacifiquement  Joseph Kabila. Jusque là, les manifestations et autres actions ont été sévèrement réprimées par les forces de sécurité. Les actions pacifiques de désobéissance civile à laquelle invitent Sindika DOKOLO et les signataires du Manifeste du Citoyen Congolais porteront-elles des fruits? Face à une population désabusée et méfiante des hommes politiques, réussir une mobilisation populaire de grande envergure va s'avérer être un tâche ardue. 

Face à toutes ces contraintes, sociales, économiques et politiques, le dernier quadrimestre de 2017 s’annonce plein d’incertitude mais surtout plein de danger.




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