Décentralisation, gage de Bonne Gouvernance et rempart à la Dictature


1.     Introduction 

A l'approche des élections et face à nos défis, il est impérieux de réfléchir aux solutions qui pourront être appliquées afin de nous sortir des ornières de la mauvaise gouvernance qui nous a caractérisée au cours des quinze dernières années.  Les raisons de cette mauvaise gouvernance trouvent leurs origines dans un spectre complexe impliquant facteurs humains et structurels. 
Au niveau humain, nous ne saurons excuser l’incurie de la classe politique congolaise qui s'est distinguée dans une mauvaise gouvernance comme on en a rarement vu. 
Au niveau structurel, nous devons interroger la validité et la pertinence de l'architecture politique et institutionnelle actuelle face aux pesanteurs sociologiques congolaises et au défi bientôt "sexagénaire" de l'émergence d'un État congolais viable garantissant le bien-être collectif. 
À défaut de nous engager dans des reformes structurelles brutales, il y a lieu d'examiner l'existant, c’est-à-dire dans l’ordre constitutionnel actuel, afin d'y déceler quelques pistes de solutions qui viseraient à réduire au grand maximum les facteurs de mauvaise gouvernance tout en accroissant ceux de la bonne gouvernance. 
L'ordre politique actuel qui a vu la venue de la décentralisation peine à répondre aux attentes de la population qui était supposée voir un rapprochement avec l'État dans son quotidien. Ce rapprochement, à travers la décentralisation, a très vite été rendu quasi impossible par une approche centralisatrice du pouvoir. Nous avons vu une concentration de l'essentiel du véritable pouvoir politique en un seul "centre de pouvoir", Kinshasa. 
Cette forte centralisation va pourtant en contradiction avec la pratique congolaise d’un « partage inclusif et équitable du pouvoir en respectant les équilibres géopolitiques ». Une pratique qui en principe devrait ouvrir la porte à l'émergence de plusieurs centres ou pôles de pouvoir. 
2.     Les regroupements politiques et la gouvernance centralisée. 
Prenant en compte la diversité congolaise ainsi que la « sociologie électorale congolaise », seule une très large coalition, rassemblant les différentes tendances sociologiques du pays, peut se garantir d'une victoire politique électorale et même non-électorale (Dans une conservation brutale du pouvoir)
Dans la perspective électorale, la loi sur le seuil de représentativité, sur fond de sociologie électorale congolaise où l'on veut que le vote soit d'abord tribal, a favorisé la création de regroupements électoraux et coalitions politiques qui se veulent être le reflet de la diversité congolaise afin d'accroître leurs chances d'atteinte du seuil. 
Cependant, plus large est la coalition, plus complexe est la gestion des ambitions. Une gestion des ambitions qui a souvent été à la base des frustrations politiques qui finissent par parasiter le fonctionnement d’un Etat déjà affaibli. Laborieuses seront aussi les discussions autour du "partage du gâteau" (gestion du pouvoir) et  plus petites seront les portions que les uns et autres pourront recevoir. Et finalement plus illisible sera la gouvernance qui en résultera car paralysée par une multitudes d'acteurs aux intérêts complexes parfois divergents et égoïstes. 
Les multiples pesanteurs rendront le processus de décision lourd et complexe.  Une décision, si elle parvient à être prise, ne sera exécutée que très partiellement au point où elle sera rendue obsolète. Les chaines de responsabilités désarticulées, la redevabilité quasi inexistante. Ainsi donc les chances de succès d’une large coalition politique dans une approche de centralisation du pouvoir sont quasi nulles. 
3.     La décentralisation comme rempart à la dictature ? 
Afin de garantir au pouvoir central une certaine marge et une capacité de gouvernance en réduisant au grand maximum les interférences que posent les intérêts des groupes qui le constitue, il sera capital de réduire très sensiblement la pression qui sera exercée sur le "gâteau principal" (pouvoir central). 
Une décentralisation effective, octroyant plus de pouvoir de gestion et de décision aux provinces et autres entités décentralisées, pourra être une solution efficace. Elle fera des provinces et ETD des véritables pôles de pouvoir à part entière vers lesquels les multiples ambitions, rassemblées au sein de la coalition, pourront trouver, à certain degré, satisfaction. 
Ceci aurait pour conséquence de réduire la pression sur le pouvoir central. Lui donner plus de latitude dans le processus de décision au niveau central. 
La forte décentralisation (dans l'ordre politique actuel) dans un contexte multiethnique  comme le nôtre, peut devenir un rempart à une dictature centralisée et généralisée. Car plus de centres de pouvoir il y en  aura, moins de pouvoir il en restera au centre et plus obsolète il deviendra. Et il sera difficile d’imposer une dictature dans une gouvernance décentralisée dans un pays multiethnique. 
Dans sa saine pratique, elle rapprochera les citoyens de l’Etat et pourrait favoriser une participation citoyenne saine et plus active dans la vie politique et devenir gage de bonne gouvernance. C’est pourquoi il faudra insister sur l’achèvement du cycle électoral en cours en veillant à la tenue de tous les scrutins. Un combat dans lequel devra s’engager la société civile congolaise dès à présent. 
Avec le temps, elle finira par réduire très sensiblement l’autorité du pouvoir central et voire sa pertinence. Une situation redoutée par les détenteurs du pouvoir central. Et c’est cette crainte qui conduit malheureusement à une tendance de centralisation du pouvoir, au nom de la stabilité et de l’unité nationale. Centralisation qui tend à réduire ou simplement à annihiler l'existence des pôles de pouvoir parallèles que peuvent être les provinces, les territoires, les villes et les communes. 
Elle finit par rendre, dans le cadre d’une large coalition, l’idée d'une gouvernance efficace, à quelque niveau que ce soit, illusoire et presqu'impossible.
4.    Vers plus de décentralisation après les élections ?

Ainsi au regard de l'expérience de la gouvernance depuis la deuxième république avec le parti unique, et même dès 2006 qui a pourtant institué la décentralisation, nous constatons que la tendance à la concentration et centralisation du pouvoir est la norme et qu’elle n’est pas prête à changer.  
Le contexte n'ayant pas changé et les acteurs étant les mêmes, il est fort à craindre que les approches et mécanismes de gouvernance ne changent pas. 
Certains pourraient croire, à tort et naïvement, que la pratique actuelle (centralisation et concentration du pouvoir) pourra changer pour migrer vers une pratique plus proche des prescrits constitutionnels, donnant plus de pouvoir et d'autonomie aux provinces et autres ETD, mais cela ne saurait être plus faux pour les quelques raisons ci-après:
- Le niveau de déliquescence de l'État fait craindre au pouvoir à Kinshasa la réduction de leur pouvoir face à des entités fortes, qui pourrait très vite conduire à leur obsolescence. 
- L'absence d'une forte identité nationale fait craindre à plusieurs, à tort ou à raison, qu'une forte autonomie de certaines provinces, fasse le lit des idéologies séparatistes et menace ainsi l'unité nationale. 
Eut égard à ces quelques facteurs et à tant d’autres, il est très fort probable qu'il ne faudra rien attendre comme changement substantiel en terme d'approches de gouvernance. Du reste la gestion centralisée et pyramidale de ces regroupements et coalitions politiques ne laisse que très peu de doute sur ce qu’il en sera du pouvoir politique. 
Les regroupements et coalitions électoraux/politiques qui se sont formés font ainsi face au danger de voir leur mandat, s'ils venaient à gagner, être un échec cuisant tout comme ceux de leurs prédécesseurs. Plus la coalition est grande et variée, dans une gestion centralisée, moins les chances d'une bonne gouvernance seront garanties. 
5.    Quelle gouvernance du FCC en cas de victoire ?

Et de toutes les composantes participant au processus actuel,  le FCC qui se targue de regrouper en son sein plus de 200 partis, regroupements politiques et associations, est le plus en danger et est quasiment garanti d'échouer, s'il venait à se maintenir au pouvoir. 
Il est de loin le plus grand "monstre politique" en compétition. Monstre car l'instar de Frankenstein, il est l'assemblage, non coordonné, de différentes parties (société civile, partis politiques, associations etc.) du monde sociopolitique congolais dans toute sa diversité et contradiction. On y retrouve des groupes d'intérêts jadis farouchement opposés, soit idéologiquement soit pour des raisons non clairement définies à ce jour, qui aujourd'hui s'appellent allègrement "camarades". 
Ennemis d'hier, alliés d'aujourd'hui, ils se lancent dans la conquête du pourvoir avec pour ambition déclarée de tout contrôler de l'appareil et du pouvoir politique après les élections; chaque composante espérant ainsi voir ses ambitions divers être satisfaites. 
Mais malheureusement, dans la quête vers ce pouvoir, les concurrents internes sont nombreux. Et pour reprendre les mots d'un haut cadre de la majorité et du PPRD "le gâteau lui n'a pas grossi". 
La quantité du pouvoir central, susceptible de garantir une véritable effectivité à son détenteur, est limitée. Il n'y a que très peu du pouvoir central qui peut être partagé de façon à satisfaire les ambitions des différentes composantes. Il faudra s'attendre à la mise en place d'un gouvernement éléphantesque, une répartition/distribution partisane dans les entreprises du portefeuille de l'État. Les quelques 26 gouvernorats et assemblées provinciales (sans réel pouvoir), si tant qu'ils parviennent à les tous les contrôler, ne parviendront pas à satisfaire les ambitions des uns et des autres. Il faudra s'attendre donc à un dysfonctionnement des organes centraux de l'État (administration publique et entreprises publiques) et une conflictualité latente et sourde entre les gouverneurs de provinces (qui se verront constamment soumis aux pressions des rivalités politiques régionales internes) et le gouvernement central ; le tout aboutissant à une gouvernance calamiteuse de l'État. Cette gouvernance aura pour conséquence d'entretenir et de créer des foyers de tensions sociales et sécuritaires. Leur persistance menacera davantage la stabilité déjà précaire du pays. 
Nous pouvons donc anticiper un remake catastrophique de la gouvernance des deux derniers mandats. Sans être devin et au regard du contexte actuel, nous pouvons affirmer, avec très peu de risques de nous tromper, que nous allons droit vers les profondeurs de l'abîme. 
6.     Conclusion 

En conclusion, il est impérieux de réfléchir à des reformes structurels qui rallient la nécessité d'une bonne gouvernance, gage de développement et de stabilité et celle de la paix et de l'unité nationale. Quels que soient les vainqueurs des prochaines élections, il faudra réfléchir à une rationalisation du mode de gouvernance et de la gestion du pouvoir afin de mettre en place un système prompt à encourager et susciter les pratiques de bonne gouvernance. Cependant seules des reformes structurelles ne suffiront pas. Sans un leadership politique visionnaire, volontariste et éclairé et une société civile proactive et vigilante, ces reformes peuvent aggraver la situation. Malheureusement des doutes légitimes persistent quant à la volonté et la capacité de la classe politique congolaise actuel à s'engager dans des reformes structurels qui iraient dans le sens d’encourager la bonne gouvernance.    


Christian-Geraud NEEMA BYAMUNGU
Candidat Député Nationale-LUKUNGA 


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