Kin Key Mulumba " Repenser le système électoral congolais" --- Analyse.

Note: Cet article est une analyse à l'intervention du ministre Kin Key Mulumba sur "Jeune Afrique". 

Kin Key Mulumba, ministre des Relations avec le Parlement

On peut constater - avec grand désarroi- que l'idée de maintenir le président Joseph Kabila au pouvoir en République Démocratique du Congo n'a pas encore quitté la pensée de beaucoup d'hommes politiques qui croient encore au messianisme politique et en la providence divine lorsqu'il s'agit de la direction d'un Etat.

Le problème que pose Kin Key Mulumba est réel et vrai. En RDC la gestion du pays n'est pas, à ce stade,  simplement une question de compétence mais beaucoup plus une question d'équilibre politique et militaire qui reposent sur un "minimum d'adhésion" de la classe politique et de l'appareil sécuritaire vis-à-vis de celui qui dirige.
Et à ce niveau, Joseph Kabila, l'adhésion politique il ne l'a plus. Déjà au sein de sa famille politique, les fissures sont visibles et la cohésion n'est plus la même. Avec l'opposition, il tente, à travers le dialogue, d'attirer le plus grand nombre d'opposants afin de créer un semblant de cohésion. Et là encore, la bataille est loin d'être gagnée. Les réticences des uns et la division créée au sein de l'opposition discréditent toute initiative de dialogue politique.

Et donc il ne reste que l'aspect sécuritaire sur lequel repose la stabilité de la RDC aujourd'hui. Et là Kin Key a tout à fait raison. Les élections ne vont pas résoudre le problème et ne feront pas partir le régime, si tant est que cela soit l'objectif désiré.
Il faut le dire, aujourd'hui, l'appareil sécuritaire congolais repose sur un homme, Joseph Kabila. Et donc toute solution liée à l'avenir politique de Joseph Kabila et qui ne tient pas compte de ses relations avec l'armée et des équilibres au sein de l'armée, est suicidaire et irresponsable.

Ceci étant dit, les arguments de Kin Key Mulumba qui réclame un suffrage universel indirect tiennent-ils assez la route pour justifier les réformes qu'ils désirent?

- De la question sécuritaire:  Nous en sommes là parce que le pouvoir en place n'est pas parvenu à exercer son pouvoir régalien sur le territoire congolais et à faire de la RDC un territoire sécurisé et stabilisé.
Mais c'est aussi l'une des conséquences d'une transition 1+4 qui a échoué. La réforme de l'armée aurait du être achevée.  Mais malheureusement, après moult insertion, réinsertion, brassage, mixage, les FARDC ne forment toujours pas une force homogène et disciplinée dont la fidélité repose sur un ordre républicain au delà des couleurs politiques et tribales.
Et donc mentionner la stabilité sécuritaire comme argument c'est d'abord un aveu d'échec ensuite c'est essayer de se prévaloir  de ses propres turpitudes.

- Scrutin indirect pour réduire la contestation: En tenant réellement en compte du contexte congolais, passer à un scrutin présidentiel indirect serait faire le lit de la contestation politique et du chaos. la corruption des élites politiques, la faible adhésion populaire à la vie politique, au delà du simple vote, l'absence des partis politiques fondés sur des bases idéologiques, la fébrilité de l'unité nationale, sont autant de facteurs qui feront disparaitre toute légitimité à un président issue d'un scrutin indirecte. Les comparaisons faites à l'Afrique du Sud et l'Angola sont toute à fait inappropriées. Les deux pays ont connu une histoire et un parcours politique tout à fait différents qui ont renforcé la cohésion nationale - à travers des luttes  armées pour l'indépendance - et la légitimité des partis politiques existant.
Du reste en Angola, la guerre fratricide entre le MPLA et l'UNITA a divisé la société angolaise en deux et le MPLA, vainqueur de cette guerre, ne peut se prévaloir d'une réelle légitimité d'autant plus que  son appareil tentaculaire et semi répressif a rendu quasi impossible l'expression de toute autre force politique.
En Afrique du Sud, la force des institutions, en dehors de l'ANC, a permis l'éclosion et l'expression d'autres forces politiques qui remettent en question la suprématie de l'ANC.
Et donc dans le contexte congolais, avec le découpage qui est supposé ramener le pouvoir au peuple, après une décentralisation qui a échoué, élire le président à travers un scrutin indirect fragiliserait sa légitimité. 
Cette proposition n'a de réel valeur que si et seulement si les pouvoirs du président de la République sont très sensiblement réduits et si les pouvoirs accordés aux gouverneurs et au premier ministre sont largement agrandis.
Alors dans ce cas, il faudrait réduire très sensiblement le pouvoir et l'influence du gouvernement central sur les provinces et entités décentralisées.
Ainsi parlant des Etats-Unis, il fait fi de mentionner que les USA est une république fédérale.
Et en terme de coût, les élections nous coûtent réellement chers parce que le gouvernement ne s'est simplement pas préparé en amont en préparant un budget annuel réservé pour les élections depuis 2011.  

Rien ne saurait ni devrait se faire contre lui certes, mais rien ne devrait se faire POUR lui. Tout devrait se faire pour le pays et le peuple congolais.

S'il est vrai que les arguments avancés ne sauraient justifier une reforme du système électoral congolais -dans le sens désiré par le ministre- nous ne saurions pour autant balayer la question d'un revers de la main. Le système électoral congolais est loin d'être parfait. 
Il ne répond toujours pas aux besoins de légitimité du pouvoir politique et de la stabilité du système politique en lui-meme.  Ceci pourrait faire l'objet d'un autre article, mais à ce niveau nous pourrions déjà citer les éléments ci-bas qui peuvent faire l'objet de reforme: 

- Retour au scrutin présidentiel à deux tours 
- Election des gouverneurs au suffrage universel direct
- Réduction du nombre des partis politiques participant aux élections présidentielles et législatives
- Révision de la date de la majorité pour voter a différents scrutins 

Bref, autant d'aspects du système électoral peuvent être réformés afin de renforcer la cohésion nationale, la gestion à la base et la stabilité du système politique et sociale. 
Si effectivement rien ne saurait ni devrait se faire contre Joseph Kabila, mais rien ne devrait non plus se faire POUR lui. Tout devrait se faire pour le pays et le peuple congolais.

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