Kabila-Katumbi-Tshisekedi: l'Esprit d'un Accord

Toute négociation, politique, commerciale etc. hostile est fonction du rapport des forces des acteurs. Ce dernier, le rapport des forces, détermine les ambitions des acteurs, la hauteur de leurs prétentions mais plus encore la garantie de l'exécution des obligations de chaque partie.
La bonne foi propre des acteurs ne saurait en aucun cas constituer une garantie d'exécution. La bonne foi est imposée par le contexte. Chaque acteur exécute ses obligations uniquement parce qu'il y est contraint par le contexte qui ne lui permet point de se dérober de ses obligations.
La force ici étant comprise comme la capacité propre réelle et non supposée de chaque acteur à influencer les événements et y imposer sa volonté absolue.
C'est cette approche de base  qui semble avoir défaut à l'opposition congolaise dans le processus de résolution la crise que traverse notre pays à travers les dialogues politiques dans lesquels elle s'était engagée avec le pouvoir.
Dans son approche, et dans son evaluation des rapports de force en présence, le Rassemblement a commis quelques erreurs fondamentales.
Il a surestimé deux éléments:

1. La constance de la pression de la communauté internationale. Une communauté internationale vaste et diverse de par sa nature et dont les positions sont fonction des facteurs complexes que ne contrôlent pas le Rassemblement.
2. La volonté et la détermination de la population congolaise à influer radicalement sur le cours des événements. Lassée des hommes politiques, la population congolaise n'était pas et ne se trouve toujours pas dans les dispositions nécessaires à influencer réellement le cours des événements.

Et il a sous-estimé deux éléments :
1. Ses faiblesses : ambitions personnelles, absence de fondamentaux idéologiques, orientation de la stratégie autour d'un Tshisekedi en vie etc..
2. La capacité de rebondir de Joseph Kabila même mis au pieds du mur.
En somme, le Rassemblement est aujourd'hui la victime de ses propres incohérences.
- Pourquoi avoir formé le Rassemblement dans le but de s'opposer au glissement pour se retrouver par la suite négociant le glissement? L'explication peut être trouvée dans le fait que l'Udps fut la première force à adopter l'idée d'un glissement négocié (Venise, Ibiza, Paris) avec un partage du pouvoir à la clé. Et donc quoi de plus normal qu'elle ait eu à "céder", un peu trop facilement, aux appels de la communauté internationale pour un glissement négocié afin d'éviter le " chaos".
- Comment avoir entamé des négociations dans un contexte où le rapport des forces leur était défavorable ? Outre les pressions internationales, le Rassemblement n'avait aucune autre force politique ou sociale propre à elle. Le peuple, blasé des hommes politiques, n'était pas prêt à le suivre dans une lutte qui ressemblerait plus à lutte pour le partage du pouvoir qu'à une véritable lutte pour le changement.
Sans oublier le rôle d'anesthésian social que joua la Cenco. Ce dernier rendît toute rupture impossible au risque d'être indexé comme "fauteurs de troubles" par l'opinion publique.
Malheureusement, à l'usure, elle aussi fut prise et rendit le tablier...au grand bonheur de la majorité.

En définitive, voici ce que nous pouvons retenir :

1. La crise congolaise était fonction du  rapport de force la tripartite Kabila-Katumbi-Tshisekedi. C'est cette tripartite qui déterminait  "l'Esprit de l'accord du 31 Décembre"
2. Tshisekedi mort, Katumbi en exil, le rapport des forces a changé, penchant davantage la balance du côté du pouvoir, l'esprit de l'accord du 31 Décembre était désormais mort!
3. Tshisekedi mort, l'Udps fragilisé en interne, le Rassemblement affaibli, la balance penchant en faveur du pouvoir, l'application de l'accord du 31 décembre est aujourd'hui sujette aux calculs "politique" et non à une obligation morale vis-à-vis de son "esprit".
Ce qui aujourd'hui, explique son application dans les conditions et termes fixés par la majorité qui a totalement repris la main.
Au Rassemblement, il n'a plus d'autres choix que celui d'en appeler à la communauté internationale. Une communauté internationale certainement plus prudente dans son approche, refroidie par le spectacle désolant d'une opposition incapable de s'élever à la hauteur du défi, préférant rejoindre la mangeoire en attendant un coup du sort.

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