Moise Katumbi, un poids (trop) lourd pour l'opposition!

Moise Katumbi Chapwe
Le départ de Moise Katumbi du PPRD qui a récemment secoué la classe politique congolaise n'est en réalité qu'une demie surprise. En effet depuis plusieurs mois, il bruissait des rumeurs d'un départ imminent du désormais ex gouverneur du Katanga, de la majorité présidentielle.
Entre rumeurs et démentis, le départ de Moise Katumbi ne laissait que très peu de place au doute. Il ne s'agissait plus d'une question de "si" mais de "quand". Et c'est cette semaine que la nouvelle est tombée depuis le compte twitter - nouvellement ouvert - de l'intéressé.  Et au finish, ce départ n'a que très peu surpris.

Ce départ n'a certainement pas surpris au sein de la majorité. Nous pouvons être sûr qu'elle a eu le temps de se préparer et de s'ajuster en conséquence. Ne pas le faire- ce qui ne serait pas surprenant de leur part- serait faire preuve d'un amateurisme surprenant. Mais bon, là encore nous ne sommes pas à une surprise près. 
Plusieurs se réjouissent de cette tournure d'événements, qui a succédé à une série de démission de plusieurs cadres politique membres des partis du G7 qui a quitté la majorité. A plusieurs égards, ce départ serait un énième signe de l'affaiblissement de la majorité au pouvoir et un renforcement du camp "anti Kabila". Un camp qui regroupe des opposants déclarés et non- déclarés, société civile- politisée et non, communauté internationale etc.
Mais une certaine lecture de la dynamique de la vie politique congolaise dicterait une attitude encline à la prudence et à une certaine inquiétude quant aux conséquences de ce passage de Moise Katumbi dans l'opposition.
En effet si le pouvoir en ressort "affaibli", il n'est pour autant pas certain que l'opposition en ressorte renforcée.
Il est indéniable que Moise Katumbi est un poids lourd de la vie politique congolaise et que l'avoir dans son camp constitue un atout politique mais aussi financier non négligeable.
Mais en quittant la majorité pour rejoindre l'opposition, il est aussi possible que cela ne soit pas un atout pour l'opposition. Une opposition fragilisée et larvée par des guerres intestines et qui a plusieurs défis à surmonter afin de parvenir à ses fins, la prise du pouvoir. 
Sur le court terme, la présence de Moise Katumbi pourrait galvaniser les "troupes" autour de l'opposition, mais sur le long terme il risquerait d'émietter davantage l'électorat d'une opposition déjà dispersée et divisée.
Dans la perspective d'une présidentielle en 2016, l'opposition devra surmonter plusieurs obstacles internes si elle veut avoir une quelconque chance de pouvoir l'emporter face au candidat de la majorité. Et parmi ces obstacles nous pouvons en citer quatre majeurs

Une crise de leadership

Avec le temps, Etienne Tshisekedi n'est plus le leader incontesté de l'opposition congolaise. La transformation du monde politique congolais avec l'émergence de nouveaux leaders politiques a rebattu les cartes. Malgré sa position de challenger lors de la dernière présidentielle de 2011, Etienne Tshisekedi ne saurait se prévaloir du rôle de leader incontesté  Rôle qui, du reste, lui est contesté par plusieurs personnalites au sein de l'opposition. 
Le poste de porte-parole de l'opposition, pourtant constitutionnel, toujours vacant, en est la preuve. La faute à des luttes intestines d'égos nourries par des ambitions démesurées, une haute opinion- souvent injustifiée- de son poids politique et une méfiance sur fond d'accusation de traitrise au profit de la majorité. 

Une absence de cohésion idéologique 

Caractéristique de la classe politique congolaise dans son semble, l'opposition congolaise en souffre davantage car l'absence de fondement et d'identité idéologique ne lui permet pas de proposer une vision, un programme politique, alternative viable au programme de la majorité au pouvoir.  
Quelle soit interne ou externe, l'opposition congolaise ne semble qu'avoir une seule vision: "Kabila dégage". 

Une absence de coalition

Depuis 2011 des coalitions se sont faites et défaites au fil de l'évolution de l'actualité politique. Elles ont plus été des mouvements "réactionnaires" et ponctuels mues par des objectifs aussi flous qu'instable.   
Victimes des maux précédemment cités, elles n'ont jamais su resister au dynamisme de la vie politique d'une part et aux innombrables tentatives de déstabilisation de la majorité d'autres parts.  
L'histoire politique du Congo et les deux précédentes présidentielles ont prouvé qu'il est difficile- si pas impossible- de gagner seul. Et l'opposition devra se former en coalition pour espérer ratisser large. 

La candidature unique 

Etroitement lié à la question du leadership, ce défi reste de loin la plus grand difficulté de l'opposition congolaise. 
En 2011, incapable de s'unir derrière un candidat unique, elle est allée en ordre dispersé à la présidentielle  faisant le lit de la victoire - bien que contestée, mais somme toute logique - de la majorité.
La situation étant la même pour la présidentielle de 2016, le même problème va se poser avec beaucoup plus d'acuité car elle, l'opposition, n'a jamais rassemblé autant de "têtes couronnées". 

En prenant en compte ces défis, Moise Katumbi et son poids ne constitueraient finalement pas un atout à  l'opposition. Spécialement si cette dernière doit affronter un candidat unique de l'actuelle majorité, si tant est qu'elle demeure ainsi jusqu'à la présidentielle de 2016, s'il y en a une.
Dans une élection à tour unique, face à une plateforme unique, le principal défi de l'opposition consistera à éviter une dispersion des voix et une division de son électorat qui pourraient faire le jeu de la majorité.
Pour ce faire, elle devra se rassembler au sein  d'une coalition, soudée autour d'une vision et d'un projet politique commun et finalement soutenant un candidat unique. Et c'est là certainement que se posera le plus grand problème. Et la présence de Moise Katumbi ne vient qu'en rendre la résolution plus compliquée.
Qui de Vital Kamerhe, Etienne Tshisekedi, Freddy Matungulu Mbuyamu, Martin Fayulu, Moise Katumbi etc. acceptera de remettre ses ambitions présidentielles au placard pour soutenir celles d'un autre?! On se souviendra encore du fameux "Je n’ai pas lutté trente ans pour laisser ma place à un autre !" lâché par Etienne Tshisekedi en 2011.
Avoir autant de "poids lourds" dans l'opposition ne saurait être une force qu'en cas de révolte populaire où leur charisme et aura joueront un rôle important dans la mobilisation populaire.
Mais dans une perspective électorale, cette opposition, telle une équipe de football composée de superstars sans coach, devra apprendre à jouer collectif pour remporter la victoire. Tout le monde ne saurait être titulaire et tout le monde ne saurait être Cristiano Ronaldo ou encore Lionel Messi.  

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