Dialogue : Enjeux et conséquences


NB: Cet article a été écrit à la fin du mois de Mai. Donc l'évolution de la situation depuis ne transparaitra peut-être pas.


Le dialogue, est la tendance que l’on observe dans plusieurs capitales du continent qui entament une période pré-électorale très sensible.

De Conakry à Kinshasa en passant par Brazzaville, la dynamique est bien présente.

Même au Burundi, où il y a encore quelques semaines toute entente paraissait chimérique, on cherche à dialoguer. Quels que soient les raisons et les objectifs poursuivis par les uns et les autres, la dynamique d’un dialogue est belle et bien présente.
La République Démocratique du Congo, comme ailleurs, traverse une période pré-électorale sensible et agitée. La méfiance réciproque et le silence de certains acteurs contribuent à créer une situation volatile qui pourrait exploser à tout instant.

Et c’est dans ce contexte que circule depuis quelques semaines l’idée d’un dialogue. En effet le président Joseph Kabila a envoyé un émissaire auprès des leaders de l’opposition pour les consulter dans l’éventualité d’un dialogue. Aujourd’hui les deux camps refusent d'en assumer l'initiative. La majorité clame avoir répondu à une demande de l'opposition et cette dernière invoque les prescrits des accords d'Addis-Abeba du 24 février 2013.

En quelques questions nous allons essayer de comprendre les enjeux autour d’un probable et les conséquences qui peuvent en découler.





Conséquences  d'un dialogue politique en ce moment?

Dans l'immédiat, Une remise à plat de la dynamique électorale présente:
A moyen term, une nouvelle transition.  

Joseph Kabila Kabange
Qu'est-ce que la majorité peut-elle en tirer? 

En délicate posture, elle essaiera de tirer le maximum de ce dialogue.

Les plus optimistes et téméraires en son sein,  peuvent avancer l'idée d'une transition de deux ans - minimum- avec un partage du pouvoir et la mise en place d'un gouvernement, officiellement chargé de n'organiser que les élections à la fin de cette transition. Ceci serait déjà une victoire. Mais ils pourraient essayer de pousser  la chance  plus loin en essayant d'aboutir à  un nouvel ordre constitutionnel.

Mais déjà des élections au-delà de 2016 seraient déjà une mini victoire pour la majorité.

Une 4eme République?

Il faudra évidemment trouver un consensus politique autour de la nécessite et l’opportunité ou non de modifier la constitution actuelle ou simplement en réécrire une autre qui serait, elle, mieux adaptée à notre situation actuelle et qui évidemment rencontrerait l’assentiment des parties impliquées.

Des deux côtés, dans la majorité comme dans l'opposition, et même au sein de la société civile, à travers l’église catholique, des voix s’étaient déjà levées par le passé appelant à une modification de plusieurs dispositions de la présente constitution. Donc l'idée d'un consensus autour d'une révision totale de la constitution n’est pas si farfelue. Surtout si l’opposition obtient à ce que le président Kabila ne soit pas candidat.

Et l’opposition ?




Vital Kamerhe- Jean Pierre Bemba- Etienne Tshisekedi

Si l’opposition, de façon unie, accepte et va au dialogue, ce dernier pourra lui  servir à mieux préparer les élections.  Surtout si elle parvient à faire passer ses revendications et obtenir une refonte de la CENI, de son fonctionnement et de ses acteurs.

Obtenir aussi la révision des listes  électorales. Mais elle pourrait aussi  obtenir  que l'on sursoie la mise en place des nouvelles provinces.

A ce stade, si elle obtient tout ceci, elle pourrait bien céder sur la question de la tenue des locales qui pourraient être organisées avant les présidentielles.

Un scénario pareil pourrait satisfaire les deux camps.

Les facteurs incitatifs d'un dialogue?

L'incertitude.

L’incertitude à plusieurs niveaux. Mais la principale incertitude touche au sort du président Joseph Kabila. Bien que la constitution prévoit un statut de sénateur à vie, l’incertitude repose plus sur la stabilité de son système après lui et sans lui aux commandes. Nous pensons ici au système sécuritaire. Avec la réforme de l’armée qui a échoué et une armée divisée, l’appareil sécuritaire est très instable et tient en équilibre qu’en la personne du chef de l’Etat qui l’a bâti pour se protéger des autres protagonistes des multiples crises qu'a connues notre pays.
Les élections en 2006 et 2011 n’ont pas éloigné les menaces directes sur sa personne ni sur les institutions. Du reste, on peut citer des mouvements comme l’Appareco qui n’ont jamais caché leur volonté de chasser le président par la voie des armes. Donc un système sécuritaire centré sur sa personne ne semble qu’être une suite logique. Et donc en son absence, la question de l’avenir de ce système doit se poser et des réponses adéquates trouvées.
Une autre incertitude, qui fait écho à la première, porte sur le choix d’un candidat qui pourrait répondre à cette question.

Et là, nous tournons les yeux sur les partenaires occidentaux de la RDC.

A Washington, le choix ne semble pas encore être fait. Au delà des sorties médiatiques des responsables américains, qui exigent le respect strict de la constitution et la tenue des elections, Il est fort à parier que le choix d'un candidat capable de maintenir la RDC dans la stabilité, n'est pas evident.  
L'opposition à travers ses voyages ces derniers mois à Washington n’a sans doute pas obtenu ce qu'elle recherchait, c'est à dire  des gages de  Washington à encourager le départ, de gré ou de force, du président Kabila d'une part et de l'autre des gages  de  sécurité du prochain régime.

Et d'où le besoin de sécuriser un nouveau pouvoir, si celui-ci était issu de l’opposition civile.

Au niveau du pouvoir ce besoin de dialogue pourrait  être justifié  par une  absence de  soutien désiré, même par un silence tacite comme pour le Rwanda, des partenaires occidentaux, à sa volonté de rester au pouvoir.
Et donc chercher à s'imposer par la force  ne saurait se faire sans de sérieux dégâts en cas de manifestation. D' où le besoin de dialoguer.

Et ainsi le message des partenaires occidentaux au régime serait : " Si tu sais rester en incluant les autres, tant mieux".

Et si non au dialogue, que peut-il se passer ?

Si toutes les conditions demeurent égales à elles-mêmes;

Pour  les opposants, ils devront être capable d'imposer leurs vues coûte que coûte. Et  à ce niveau deux problèmes se posent

-La capacité à susciter une révolution populaire (donc avoir un peuple prêt à mourir),
-La capacité à demeurer au pouvoir dans une situation où les forces de sécurité sont volatiles et donc imprévisibles.

Pour  le pouvoir il devra être capable de se maintenir au pouvoir sans réels et sérieux dégâts humains et surtout dans les apparences. Pas vu  pas pris  http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2015/04/29/pas-vu-pas-pris/, comme l'avait si bien résumé Colette Braeckman, parlant de la situation au Burundi.  Ce qui est improbable.
Donc dans  les  conditions  actuelles,  les deux camps, si confrontation il y a, contemplent une victoire à la Pyrrhus.

Et la communauté internationale dans tout ça ?

Aujourd'hui ce terme représente, dans l'imaginaire collectif de plusieurs, uniquement des gouvernements occidentaux. Mais la réalité est toute autre et plus complexe. Elle n'inclut pas seulement les gouvernements, mais aussi des lobbys, des multinationales qui influent sur les questions de politique étrangère des gouvernements occidentaux.
Et compte tenu de la nature de sa composition, la position de la communauté internationale va demeurer prudente et opportuniste jusqu'au dernier moment. La complexité de la situation de la RDC oblige une approche prudente de sa part. 
Avec l'instabilité actuelle dans le système international, causée par la prolifération des  crises économiques et sécuritaires, les gouvernements occidentaux sont occupés par des dossiers bien plus importants qui menacent leur position et la stabilité du système international. Et donc si changement doit avoir lieu en RDC,  en entrainant  le chaos dans les grands lacs, il y a crainte de voir cette crise gérée par des lobbies et autres groupes financiers et non par les gouvernements eux-mêmes.

Il faudrait aussi ajouter qu'une instabilité en RDC ne serait  pas bon pour les affaires des grandes entreprises minières. L'époque de l'exploitation de la RDC par des guerres est révolue.


Et les chances de voir les gouvernements occidentaux emprunter ce chemin sont très minces. Et du reste, ils n’ont pas intérêt au chaos. La démocratie et des élections libres et transparentes c’est bien, mais la paix et la stabilité c’est mieux.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

China in Africa, an alternative narrative

Seuil d’éligibilité, nouvelle stratégie du pouvoir?

Revision of mining contracts in the DRC, what the future may hold?