Congolité, entre citoyenneté et nationalité
La question de la nationalité congolaise empoisonne la
vie politique congolaise depuis plusieurs années
maintenant. Telle une fatwa,
elle est devenue une arme idéologique à part entière entre les mains d’adverses politiques qui ne lésinent sur aucun moyen pour se discréditer mutuellement et semer le doute au sein de l'opinion publique nationale sur la "véritable identité" de l'incriminé.
Qui est
congolais, qui ne l’est pas? Aujourd’hui cette question vise à déterminer qui a
le « droit » de participer à la vie politique active en y briguant un
mandat électif. Très souvent le débat qui en résulte tourne autour de la
filiation, de l’appartenance ethnique et/ou de la détention d’un passeport
congolais. Du reste, pour aucun homme politique soupçonné, la question n’a été totalement
réglée. Les débats restent ouverts.
Ce
débat résume en lui-même toute la sensibilité et la complexité de la question
de la nationalité et dans un pays multiethnique/plurinationale comme le nôtre.
Débat sur la nationalité, des nationalités particulières à la nationalité congolaise, qui devra engendrer celui sur
la citoyenneté. Et c’est certainement sous ces deux angles que la question de
la « Congolité»
devra être abordée de manière saine, rationnelle et dépassionnée.
Congolité ethno-tribale
En RD Congo,
l’appartenance tribale directe ou par filiation est la pièce maitresse de la Congolité.
Du reste, c’est elle qui génère, légalement et socialement, la « nationalité d’origine ». Nationalité
d’origine considérée sacrée et inaliénable qu’on ne saurait refuser à un autre
congolais. Du reste, c’est l’un des arguments essentiels des défenseurs de la
double nationalité qui estiment aberrant de devoir priver un
« congolais » (véritable luba, yaka, etc.) le droit de participer à la
vie politique congolaise.
Et à cette appartenance, on tend à
y attribuer automatiquement les droits et devoirs liés à la nationalité dans
son acception de citoyenneté. Une approche, hélas, erronée vis-à-vis des
exigences de l'État moderne. Des exigences qui ne sauraient malheureusement
permettre des raccourcis aussi dangereux qu’irresponsables.
La revendication de la Congolité comme nationalité,
exprime certainement une volonté
profonde des nations (Ethnies) qui constituent la RD Congo à former une seule
et même nation. C’est un processus permanent de construction dans lequel doit
s'inscrire toute la société congolaise. Processus qui, si mené à son terme,
devra mettre fin à l'identification à la « Congolité » sur une
simple base d'appartenance ethno-tribale, mais d'abord et avant tout sur base
d'appartenance à une communauté de valeurs, de principes et d'objectifs
communs. Appartenir à une tribu se retrouvant au Congo devrait-il suffir à faire de nous des congolais?
Néanmoins,
cette appartenance ne saurait occulter ni balayer d'un revers de mains les
exigences inhérentes à l'État moderne plurinational que nous sommes. À la
nationalité se rattache la citoyenneté qui détermine les droits et devoirs qui
lient l'individu à l'État, donc à la communauté nationale. Le droit de
participer à la vie et l'action politique est d'abord et avant tout lié à la
citoyenneté. Et c'est ici que l'amalgame devra être levée par les politiques et
autres intellectuels afin d’éclairer la communauté nationale : dans
l'exercice des droits et devoirs politiques, seule la citoyenneté prime.
Congolité citoyenne.
Dans
l’Etat moderne, la relation de citoyenneté est celle qui lie un individu à l’Etat. Elle détermine les
droits, devoirs et prérogatives de l’individu vis-à-vis de l’Etat et
vice-versa. Elle génère les droits et devoirs politiques. La citoyenneté est
cet acte conscient par lequel un individu décide de se soumettre volontairement
à l’autorité d’un État. Contrairement à la nationalité ethno-tribale héritée
par les liens du sang, la citoyenneté est un choix. Raison pour laquelle nous
avons des citoyens belges, français, italiens de « nationalités »
(ici nationalité comprise comme appartenance ethnique) congolaises qui
participent à la vie politique de ces pays. Et logiquement, il devrait en être
de même ici en RD Congo. Ainsi lorsqu’il s’agira de déterminer les droits
politiques d’un individu, on devra uniquement s’atteler à vérifier s’il est de « citoyenneté »
congolaise.
Les deux concepts, nationalité et citoyenneté, ne sont ni
exclusifs encore moins antagonistes. Ils
sont, dans la plupart des cas, complémentaires, mais doivent néanmoins être
clairement définis afin d’éviter un amalgame dangereux tel que nous le
connaissons en RDC.
Être de nationalité congolaise par appartenance ethno-tribale
n'implique pas être de citoyenneté congolaise. Et c'est le cas dans lequel se
trouvent bon nombres d'homme politiques congolais, majorité comme opposition, qui, ayant acquis une citoyenneté étrangère,
font prévaloir l'appartenance ethno-tribale, jouant sur la fibre populiste,
pour justifier et légitimer leur activisme politique. Une approche dangereuse
et vicieuse, car de la nationalité et de la citoyenneté, c’est la citoyenneté qui
rend l’individu légalement redevable vis-à-vis de la communauté nationale.
C’est la citoyenneté qui lui confère une obligation de loyauté vis-à-vis de cet
Etat. Là où la nationalité ethno-tribale crée un attachement émotionnel, la
citoyenneté crée une relation légale. On ne saurait donc balayer d’un revers de
main, et avec légèreté, la citoyenneté étrangère acquise par un
« congolais ».
Conclusion
Congolité, entre citoyenneté et nationalité, il faudra choisir. Et
c'est sous l'aune de la citoyenneté que le débat sur la double "nationalité
citoyenneté" devra s'ouvrir. Et anticipativement à ce débat, celui sur
l'identité congolaise devra se tenir afin de poser les bases d'une identité
congolaise, d'une « nationalité » congolaise. Une nationalité
congolaise définie au-delà des fondements légers et éphémères que sont les
appartenances ethno-tribales, pour reposer sur des bases solides que sont le
vouloir vivre ensemble et l'adhésion à une communauté de valeurs et de
principes en vue de bâtir une "société harmonieuse". Et ce n’est
qu’avec une identité nationale congolaise clairement définie que nous saurons
avoir une citoyenneté congolaise responsable.
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