En finir avec la 3eme République
Le contexte
politique actuel a prouvé être hostile à toute idée de discussion autour de la
constitution. La crainte de l’opposition politique ainsi que de la société
civile est d’ouvrir la boîte de Pandore qui pourrait très vite entraîner les
événements dans une direction non désirée. La crainte de l’opposition est telle
qu’elle s’oppose à une quelconque éventualité de révision, même celle qui
consisterait à revenir sur la révision de 2010 afin de ramener la
présidentielle à deux tours. Un retour à une présidentielle à deux tours qui,
dans un Congo multiethnique aux forts clivages régionaux, renforcerait certainement la légitimité du président
élu. Outre la question du second tour, d’autres sujets tels que la question de
la « nationalité » qui, dans un pays comme le nôtre, doit être abordée
sans passion en posant et répondant aux questions relatives à l’identité nationale, la citoyenneté ; le
découpage territorial, la forme de l’Etat etc… Autant de sujets qui méritent d’être
abordées sous l’aune des défis du développement et non ceux des agendas
politiques de quelconque protagonistes belliqueux.
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D’autres
par contre estiment que la situation actuelle présente une réelle opportunité
pour aborder la question. Il est vrai que cette approche est défendue par la
majorité dont la volonté de maintenir le président actuel pour une durée
indéterminée ne fait plus l’ombre d’un doute.
Néanmoins,
ceci ne vide en rien la pertinence de cette position et la nécessité d’un
bilan. L’opportunité et la qualité des acteurs ne se prêtent certainement pas à
ce genre d’exercice sans qu’il ne soit vicié par des calculs politiciens en tous
genres, mais la crise par laquelle nous passons nous impose d’en prendre la
mesure et de ne pas faire l’économie de réflexions afin d’y apporter des
solutions courageuses et idoines. Et la réflexion autour d’une réforme
constitutionnelle doit être faite, une remise en question de l’ordre
constitutionnel actuel.
Jusqu'à
présent, les solutions proposées par les différents acteurs ne règlent que la
question immédiate de l’organisation des élections qui n’est en réalité qu’un
épiphénomène de la crise systémique qui frappe la République Démocratique du
Congo depuis son indépendance. Ces
solutions, à travers les deux dialogues, ne posent ni ne règlent pas la
question de l’adéquation et de la viabilité de l’écosystème sociologique,
politique et économique congolaise à appliquer de façon viable la constitution
de 2006. Mais au-delà cela, elles ne font pas le diagnostic des crises qui ont culminé
au conflit de 1998-2003 qui finit par donner naissance au compromis « politico-militaire »
de 2006 qu’est l’actuelle constitution.
Quand bien
même nous parviendrons à organiser les élections dans les mois à venir, nous ne
serons toujours pas à l’abri d’une réelle crise. Une crise qui, comme la présente,
sera certainement inhérente à la nature et aux ambitions des acteurs, ainsi qu’
à l’incapacité de l’État à imposer sa force et sa loi sur tous. Mais de façon
plus fondamentale, elle sera causée par les conflits qui émergeront entre
certains groupes sociaux et politique et la nature de l’Etat.
Dès sa création,
La fragilité de l’État congolais (dans son principe fondateur, sa forme et ses
structures) a été manifestée par son inexistence comme expression du « vivre-ensemble
collectif ». Cette fragilité a été renforcée par une personnalisation à
outrance autour de la personne du Chef de l’Etat dans la deuxième République. Personnalisation
de l’Etat qu’on a voulu être la compréhension culturelle du pouvoir politique au
Congo et qui créa des habitudes, dans le vécu du pouvoir, qui perdurent encore
aujourd’hui, une guerre, une transition et deux présidents plus tard. L’ inexistence de l’Etat, en dehors de la
personne du Chef de l’État, rend l’existence et l’application de toute
constitution impersonnelle illusoire sinon impossible. Ainsi la constitution
incarnant le pouvoir politique devient un élément d’oppression d’un groupe sur
un autre. C’est ainsi que plus tard, vidée de toute légitimité sociale vis-à-vis
des oppressés, elle finit par être la cause première d’une remise en question
violente du pouvoir établi, d’où les crises à répétition.
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D’une part,
pour ceux qui ont renversé le maréchal Mobutu en Mai 1997, sa chute inaugure le
début de la troisième République, même si cette période fut caractérisée par un
vide constitutionnel patent qui vit la république être régie par le décret-loi
du 27 Mai 1997. Décret-loi qui, muet quant à la vacance du pouvoir en cas
d’empêchement du chef de l’État, fut incapable de régler la question de la
succession de Laurent Désiré Kabila après son assassinat en janvier 2001.
D’autre
part, pour les principaux protagonistes de la guerre de 1998-2002, la troisième
république vit naissance avec la promulgation de la constitution de 2006 qui
fut adoptée par référendum en 2005. Ce qui de facto, sur un point de vue
historique et scientifique fait du début du règne de Laurent Désiré Kabila à la
fin de la période de transition de 2003~2006, une période de transition.
La
troisième république est née du consensus politique issu des accords de Pretoria
qui mirent fin aux négociations de Sun
City censées mettre fin à la guerre d’août 1998. Comme on peut le voir, c’est
sur la base de ce consensus politique qu’a été écrite l’actuelle constitution.
Elle est donc, pour reprendre les mots d’un cadre du PPRD, un « pacte des
belligérants ». C’est du reste, ce consensus politique que tiennent à
défendre certains ténors de l’opposition qui craignent que sa violation puisse
entraîner une crise de légitimité qui pourrait replonger le pays dans le chaos.
La question
de la légitimité des institutions et de leurs animateurs fut diagnostiquée, et
reprise comme motivation dans les préambules de la constitution, comme étant la
cause principale des guerres incessantes et de l’instabilité chronique que
connaît la République Démocratique du Congo. Ce fut-là, le principe fondateur
des fondamentaux de notre constitution que sont l’organisation des élections,
la durée et la limitation du nombre de mandats du président de la République.
Dans sa
forme, la constitution ne semble poser aucun problème. Mais dans son fond elle est affaiblie par le
processus, vicié et corrompu, de sa rédaction. Tout comme les précédentes
constitutions, le processus de sa rédaction a été biaisé par les pesanteurs que
constituait le poids des principaux belligérants, congolais et étrangers, de
l’époque. Il fallait donc préserver leurs intérêts présents et futurs. C’est
ainsi qu’il y eut des débats houleux autour des critères d’âge et de
qualification académiques des candidats à la présidentielle, de la limitation
et de la durée des mandats, de la forme
de l’Etat, du découpage territorial, de
la nationalité etc. Bref autant de sujets d’importance capitale qui ont été tranchées
en fonction des intérêts temporaires, personnels et malheureusement non-idéologiques,
des principaux acteurs de l’époque. La guerre de 1998-2002 n’ayant pas été
elle-même une guerre civile opposant deux idéologies et/ou approches internes,
congolo-congolaises,
fondamentalement différentes de l’État, de sa compréhension, de sa gestion et
de son avenir ; les intérêts
défendus par les belligérants n’auraient donc pu être de cet ordre. Ainsi donc,
nous avions élaboré une constitution qui était non l’expression d’un compromis
idéologique collectif interne, mais plutôt celle d’intérêts personnels,
extérieurs et temporaires des belligérants.
De ce fait,
tout comme lors de la période de
transition qui l’a précédée, seule l’existence de ces belligérants armés,
pourvus de leurs forces, constituait la garantie du strict respect de cette
constitution. L’État, déliquescent et en« reconstruction »,
inexistante dans sa forme impersonnelle, n’aurait pu être, ni su s’imposer sur
un ou plusieurs acteurs, comme gage du respect de la constitution.
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En
définitive, les principaux protagonistes ayant disparu, Joseph Kabila étant le
seul et unique vainqueur, la conséquence fut de vider de son sens l’équilibre
politique de 2006. Joseph Kabila ne se retrouve plus donc ainsi dans
l’obligation de respecter et ni de se soumettre aux prescrits d’un « ordre-consensus »
désormais obsolète.
C’est
pourquoi réclamer la préservation de cet « ordre-consensus » est un non-sens politique. On ne saurait
donc ainsi espérer l’avènement d’un pouvoir, système nouveau tout en préservant
les acquis de l’ordre ancien. Certes, tous les acquis ne sont pas à bannir,
mais ils doivent être revus et refondus sous un prisme sain et nouveau, libéré
de toutes les pesanteurs (acteurs de l’époque et leurs intérêts) qui ont eu à
biaiser le processus de conception et de naissance des précédentes républiques.
Il faut donc tuer la 3èmeRépublique !!!
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